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Comment voyez-vous le futur de la formation ?

Journal de mes formations avant et après mars 2020

5 mars 2021

Le texte que je vous partage a émergé dans le cadre du projet de co-écriture du livre Rupture douce 07 en décembre 2020 avec d'autres agilistes. L'idée initiale du projet porté par Laurent Sarrazin est de se rassembler pour compiler un tome "spécial" qui facilitera le redémarrage de nos activités post pandémie. Sous la forme d'anecdotes, nous décidons de raconter notre "rétro-confinement", un outil introspectif proposé par Agile Radical, sur la base des travaux du sociologue Bruno Latour "Où atterrir après la pandémie ?". Le Tome #007 de Rupture Douce est à présent dans les bacs. 25 portes ouvertes sur des histoires très personnelles lors d’une année 2020 très chahutée.
En prime, Claude Aubry a marqué l’ouvrage d’une très jolie préface.
Pour l’acquérir tout se passe ici : buff.ly/2IoBWBr

Ces deux confinements de 2020 n’ont pas tant bouleversé mon quotidien en équipe projet travaillant déjà avec des personnes à distance.

Par contre, s’il y a bien une chose que 2020 a changé, ce sont mes formations.

Cela a commencé le 20 mars lorsque l’organisme de formation pour lequel je travaille me demande si je peux animer la formation “Product Owner”, qui se tient 4 jours plus tard, 100% en ligne. Afin de la maintenir, je relève le défi.

Depuis, j’ai eu la chance de faciliter en ligne dix autres formations de 2 à 3 jours. Voici quelques faits et réflexions. Je vous propose le journal de mes formations avant mars 2020 et après.

Illustration Aurélien Morvant - Kokan.fr

La préparation de ma formation

Avant mars 2020

Avant mes formations, je passe mes soirées ou mon week-end à imprimer, massicoter, plastifier, organiser ma boite à formation avec mes cartes de dixit, mes cubes, mes aimants, les marqueurs, feutres de couleurs, post-its, scotch de peintre, ficelle, patafix...

Après ma journée de travail, je cours à la gare prendre le train pour me rendre à Paris, Lyon ou Toulouse, à partir de Montpellier. J’arrive parfois à 22h à Lyon ou Toulouse et 23h à Paris. Je me rends à mon Airbnb, grignote deux trois petits snacks, relis mon plan de formation heure par heure avec chaque activité de la journée du lendemain avant de me coucher.

Depuis mars 2020

Je continue à passer du temps sur la préparation de mes formations. La préparation consiste à présent à créer des comptes sur des outils de travail collaboratif, à penser et réaliser des templates d’exercices de groupes, à réinitialiser des backlogs de produits d’exemples sur Jira, Trello ou Google Slides pour proposer des simulations de sprints ou encore à penser de nouveaux ice-breakers. Une chose est sûre, je ne cours plus prendre mon train ! Je peux rester au chaud, en famille à relire mon plan de formation.

Mes "ice-breakers" en formation

Avant mars 2020, je lance des balles en rythme à mon groupe (difficile de s’imaginer se passer chacun une même balle aujourd’hui). Je propose d’inventer des mouvements gestuels en communiquant des mots en association d’idées. Je propose de décorer ou de dessiner sur un support papier avec son prénom. Je fais choisir des cartes de jeux de plateaux pour se présenter et parler plus facilement de soi.

Illustration Aurélien Morvant - Kokan.fr

Depuis mars 2020, je propose de partager des photos de son espace de travail, de ses snacks ou ses plats préférés en confinement, ou encore de ses pieds sous le bureau. Je m'improvise dans l’animation de cours de stretching/yoga de notre chaise de bureau. Je facilite des "pictionnary" en ligne, ou encore des concours de dessin de son espace de travail idéal. J’invite à renommer son identité sur Zoom et à en profiter pour partager l’histoire de son prénom, ou encore à partager dans le chat l’affiche de film représentant le plus son ressenti du moment.

Le cadre posé en début de formation

Avant mars 2020, je demande validation au groupe pour utiliser le tutoiement, pose un espace de confidentialité, propose un geste non verbal pour approuver et travailler l’écoute active. J'introduis

la loi des deux pieds pour donner la liberté de quitter la salle dès lors que le cerveau n’est plus pleinement présent.

Illustration Aurélien Morvant - Kokan.fr

Depuis mars 2020, j'adapte la loi des deux pieds en proposant à chacun de prendre conscience de ce qui le fait déconnecter en ligne afin d’en apprendre plus sur soi. Je demande à garder le micro actif pour recréer du bruit car les formations avec un groupe entier en “mute”, non merci ! Je n’impose pas, mais invite à garder sa caméra activée par défaut, car lorsque l’on participe à une formation en présentiel, on ne se cache pas sous sa table !

Mon premier exercice collaboratif

Avant mars 2020, ce premier exercice se fait souvent via des “magnets” découpés à la fraiseuse numérique sur lesquels sont imprimés des logos représentant des mots clés agiles. Je les distribue au groupe en invitant à représenter des situations sur un tableau blanc magnétique ou sur les tables de la salle de formation. Toutes les tables sont préalablement regroupées au centre de la pièce avec le groupe pour rendre la salle de réunion, souvent austère, plus adaptée à une formation agile.

Depuis mars 2020, mon premier exercice se fait via Jamboard, Miro ou Klaxoon, par 3 ou 4 via les sous-groupes préalablement créés grâce à la fonctionnalité “breakout groups” des outils de vidéo-conférence. J'invite à collaborer en petits groupes au classement de principes, valeurs ou pratiques de projets traditionnels face aux principes, valeurs ou pratiques des projets agiles.

Les pauses café

Avant mars 2020, les pauses café, c’est un moment ou le volume sonore de la salle ou du couloir augmente, les langues se délient, les rires éclatent, les connexions se créent timidement lors de la première pause puis par des échanges de numéros ou de bons plans le second ou le troisième jour. 

Depuis mars 2020, la pause café, c’est un gros "timer" affiché à l’écran avec le conseil donné aux participants de réellement se détendre, s'étirer, aller prendre l’air et non "checker" leurs mails ou les réseaux sociaux.

Illustration Aurélien Morvant - Kokan.fr

Les partages de groupe post exercice collaboratif

Avant mars 2020, les partages sont souvent orientés sur la prise de décision, les différences de point de vue, l’apport de l’exercice lui-même.

Depuis mars 2020, je retrouve les mêmes mais s’y sont ajoutés des partages sur les outils : “génial cet outil, je ne le connaissais pas” ou encore “je ne savais pas que l’on pouvait diviser en sous-groupes via Zoom, c’est trop bien pour collaborer” ou “vous partagerez le template de l’exercice en ligne madame, j’aimerais bien le refaire avec mon équipe ?”

Mes simulations de sprint en formation

Avant mars 2020, je donne des petits papiers en douce dans la main de certaines personnes selon les situations pour les coacher ou les orienter dans un rôle.

Depuis mars 2020, je coache en utilisant le chat privé pour que seule la personne concernée ait l’info et puisse jouer son rôle au sein du groupe.

Avant mars 2020, les simulations de sprint-planning meeting se font via des user-stories tapées sur des papiers découpés puis renommés sur des post-its. Je pose l'exercice de réaliser son tableau Kanban au mur. J'utilise des cartes de planning poker. La simulation se déroule avec le sourire, en mouvements, avec beaucoup de bruit dans la salle.

Depuis mars 2020, les simulations de sprint-planning meeting se font via un backlog de produit préalablement créé ou initié via Jira ou Google sheet, un tableau Kanban via Trello ou Jira, des votes via ou outil de planning poker en ligne, toujours le sourire, moins de chaos et de bruit.

Les outils utilisés en formation

Avant mars 2020, mes principaux outils sont du papier, du carton, des marqueurs, un tableau blanc magnétique, un paper board, un vidéo-projecteur pour montrer des slides ou effectuer des démos d’outils.

Depuis mars 2020, mes outils sont quasi tous numériques. Je fais découvrir une dizaine d’outils collaboratifs pendant mes formations que la plupart des participants ne connaissent pas, qu’ils manipulent durant la formation et qu’ils peuvent réutiliser à l’issue. Je continue cependant à utiliser des fiches plastifiées pour afficher physiquement à l’écran des messages.

Quant à mon “setup” de formation, avant mars 2020, c'est un macbook air de 7 ans d'âge, les connecteurs VGA et HDMI pour le brancher au vidéoprojecteur de la salle de formation et une télécommande bluetooth pour passer des slides à distance.

Depuis mars 2020, c'est un ordinateur puissant avec grand écran, un micro-cravate, des écouteurs sans fils, un “green screen” attaché au mur dans mon dos afin de pouvoir intégrer des fonds sans les effets de bords des “backgrounds” proposés par nos outils de vidéoconférence et sans montrer mon intimité pour autant. Je me trouve ainsi dans un espace de coworking fictif, clair, épuré, avec plein de plantes. Ça a son petit effet auprès des participants :)

Les rétrospectives

Avant mars 2020, je prépare entre 13h et 14h un format de rétrospective sur paperboard. Il se déroule avec beaucoup de post-its. Chacun réfléchit individuellement puis partage au groupe autour du paperboard.

Depuis mars 2020, je choisis un des nombreux outils de rétrospective en ligne, je crée ou adapte un template existant au format de rétrospective souhaité. J’envoie le lien dans le chat. Chacun travaille individuellement puis partage en groupe ses contributions en votant directement pour celles de ses pairs.

La fin de mes formations

Avant mars 2020, la fin de mes formations ressemble à un moment d’échange agréable qui peut devenir stressant si j’ai un train à attraper alors qu’il me reste encore tout mon matériel à ranger dans la salle.

Aujourd’hui, je finis à l’heure et annonce au groupe que je reste connectée si il y a des questions jusqu’à ce que le dernier raccroche, et ce sans stress.

Les partages post-formation des participants

Avant mars 2020, les partages tournaient essentiellement autour du dynamisme et des exercices pratiques.

Depuis mars 2020, le dynamisme et les exercices pratiques remontent toujours positivement. Des partages sur les outils se sont ajoutés. Voici un témoignage récent : “Dynamique, beaucoup d'ateliers, immersion et implication des élèves permanente, découverte d'une multitude d'outils en ligne très utiles pour la suite. Formatrice très souriante, volontaire et impliquée. 3 jours de Visio qui sont passés (trop?) vite, une prouesse !”

Le "clin d'oeil" de cette période de confinements

Je termine sur le petit clin d’oeil de cette période qui restera spécialement gravée pour moi :

Avant mars 2020, je vis ma première grossesse sans oser donner des formations au-delà des 6 mois. Je me limite en me persuadant que ce n’est pas respectueux pour un groupe d'avoir une formatrice qui s'assoie à certains moments de la journée.

Après mars 2020, dans le 7ème mois de ma seconde grossesse, je donne des formations en ligne et personne ne voit mon bidou, n’est au courant que je suis enceinte et je peux rester assise :)

Je m'arrête là sur le avant/après mars 2020. Il y aurait encore plein d’aspects à traiter, mais je choisis de proposer une petite conclusion.

Ma conclusion "rétro-confinement"

Concernant la formation, je ne souhaite pas forcément revenir à du 100% en présentiel. Bien sûr, l'humain, la diversité des exercices qui peuvent être donnés en présentiel ou encore les déjeuners avec le groupe peuvent me manquer et pour autant je souhaite garder une partie de mes formations en ligne. Les formations en ligne ont un gros avantage selon moi : celui des outils que l’on utilise en séance, que les participants prennent en main directement, sur lesquels ils peuvent se tester, et continuer de les utiliser en équipe par la suite. J’avoue également que les heures passées à imprimer et massicoter ne me manquent pas particulièrement, tout comme les déplacements. Et c’est plus écolo :)

D'autre part, j'ai découvert que les connexions humaines peuvent être tout aussi fortes à distance. Tout dépend de la profondeur des questions et des échanges, de la dimension de jeu apportée, ainsi que de l’investissement des personnes présentes.

Je pense que la liberté dans le travail ou les formations demain sera d’avoir le choix entre du présentiel et du distanciel. Une approche hybride qui me plait comme projection post confinement.

Je vois des centres de formations proposant le choix de se former à distance ou en présentiel, et pourquoi pas demain la possibilité de choisir leur formateur en ligne.

Et vous, comment voyez-vous le futur de la formation ?

Je vous invite à poster votre point de vue, vos expériences, vos remarques... en commentaires.

Illustration Aurélien Morvant - Kokan.fr